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L'eau d'ici
28 octobre 2007

L'ombre et la lumière

Imaginez un sous bois de forêt de feuillus, une forêt composée de hêtre et de chêne. Un épais tapis de feuilles mortes à vos pieds, de grands arbres , les rayons du soleil filtrés par les feuilles vertes diffusent une lumières douce. Le silence n’est troublé que par le bruit de vos pas dans les feuilles. Tout semble figé. Il se dégage une sérénité et une harmonie bienfaisante.

Pourtant malgré les apparences, vous vous trouvez au milieu d’une zone de combat. Un combat qui n’obéit qu’à une seule règle, celle du plus fort. C’est un combat à mort, il n’y a pas de prisonnier, pas de pitié, pas de négociations, pas de trêve. C’est une guerre fratricide que se livre deux espèces d’une même famille. Les combattants sont de valeureux guerriers, ce sont les grands arbres qui vous entourent.

D’un coté les hêtres, de l’autre les chênes, ils se disputent le même territoire, car l’objectif est clair : être les seuls à occuper l’espace vital. Ils font partie de la même famille mais tout les oppose.

Tout d’abord ce qui se voit ; leur écorce, celle du chêne est rugueuse et épaisse, celle du hêtre est lisse et mince.

Les feuilles sont différentes, celle du chênes sont lobées, celles du hêtre sont ovoides et poilues.

Le bois du chêne est dur et solide, celui du hêtre est tendre. Celui du chêne se conserve très bien et est utilisé pour faire les grandes poutres de charpente, celui du hêtre pourri tout de suite, et doit être conservé avec précaution, il est utilisé dans la menuiserie.

Le bois du hêtre pourri vite, mais ses feuilles sont très lentes à se décomposer contrairement à celle du chêne.

Enfin le plus important; leur système d’enracinement est différent, le chêne possède une grosse racine principale qui descend profondément dans le sol, on l’appelle une racine pivotante, bien sur en dehors de cette racine, il possède des centaines de kilomètres de racine qui se répartissent dans le sol, cela lui permet d’être très solidement ancré dans le sol et d’exploiter tous les nutriments du sol au dépend des autres espèces.

Le hêtre lui a adopté un autre système c’est celui des racines traçantes, ses racines courent dans toutes les directions dans le sol, préférant étendre la surface plutôt que s’enfoncer.

Après ce que je viens de dire il semblerait que le chêne soit le plus fort, et c’est le cas.  S’il est le plus fort, le chêne devrait avoir éliminé le hêtre, il aurait du être vainqueur depuis longtemps.

Alors que se passe-t-il ?

Eh bien le chêne a une faiblesse, il aime la lumière, on dit qu’il est héliophile. Il a besoin de lumière et de beaucoup de lumière pour se développer.

Le nerf de la guerre, c’est la lumière.

Le hêtre lui apprécie l’ombre, il a besoin d’humidité et d’ombre pour se développer. Quand la configuration du terrain favorise l’exposition à la lumière, les deux espèces sont séparées, on trouvera le hêtre sur l’ubac (le versant ombragée d’une montagne) et le chêne sur l’adret (le versant ensoleillé), chaque espèce se tient alors à carreaux chacune dans son coin. Mais en plaine et sur les plateaux, c’est la guerre. Les espèces coexistent et se livre un combat impitoyable. La règle est claire comme je l'ai déjà dit, c'est la loi du plus fort. Mais tout n'est pas si simple vous allez le voir.

Le chêne fait de l’ombre sous son feuillage, ce qui fait qu’un petit chêne ne peut pas pousser sous un grand chêne. Il faut qu’il attende que le grand chêne meure et perde ses feuilles pour avoir suffisamment de lumière pour pousser à son tour. C’est la qu’intervient le hêtre, car lui ça lui va très bien cet ombrage. Aussi sous un grand chêne, les petits hêtres peuvent pousser. Mais en poussant sous le grand chêne, au fur et à mesure de leurs croissances il vont être confrontés à un problème de nutrition. En effet le chêne occupe tout l’espace inférieur du sol avec ses grandes racines, le hêtre a trouvé la parade, il utilise les racines traçantes, le sous sol profond est déjà occupé qu’a cela ne tienne, il va occuper toute la surface entre les racines du chêne et la surface.

Sous le hêtre, aucun chêne ne peut pousser, il n’y a pas assez de lumière. Donc au bout d’un certain temps, le hêtre devrait gagner le guerre, il suffit d’attendre que le chêne isolé parmi les hêtres meure, et comme aucun petit chêne ne peut pousser, les hêtres vont occuper toute la place. Oui mais une fois qu’il n’y aura plus de chêne, les hêtres vont se retrouver à la lumière et vont commencer à dépérir. Ce n’est pas grave, la relève est là, puisque les petits hêtres vont pousser à l’ombre des grands. Et bien non, car pour pousser très haut le hêtre a besoin d’un grand système racinaire. Le petit hêtre ne peut trouver de place pour ses racines dans le sol car le niveau supérieur est occupé par les racines du gros hêtre. Seul un arbre avec une racine profonde qui passera au travers des racines tracantes pourra pousser.

C’est ce que va faire un petit chêne, il va attendre que le grand hêtre meure, perde ses feuilles et laisse passer la lumière.

Avec ce système on devrait avoir des cycles de hêtraies et de chênaies, les hêtres remplaçant les chênes morts, et les chênes ramplaçant les hêtres morts. Ces cycles existent mais ils sont perturbés. Car les intempéries viennent ajouter un peu de piment dans cette histoire.

Lors d’une grosse tempête, les chênes qui sont solidement ancrés au sol restent debout, le hêtre lui se couche car ses racines ne s’enfoncent pas dans le sol. Lorsqu’il tombe (il fait du bruit même s’il n’y a personne pour l’entendre (clin d’œil à fee-line)) le hêtre dégage un grand espace au sol et en l’air. Il fait une trouée de lumière dans la frondaison, et que croyez vous qu’il va pousser : des chênes.

Ainsi le combat, en plus d’être sans pitié, n’a pas de fin. Tout ce que viens de raconter n’est valable que lorsque l’homme intervient peu, ce qui est rare, mais heureusement encore visible. Car évidemment, dès que l’homme intervient, le seul gagnant c’est lui, tout du moins pour l’instant.

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