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L'eau d'ici
1 février 2009

In Vino Veritas

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La fin du mois de janvier, est l’occasion pour moi de faire un voyage en terre bourguignonne. L’objet du voyage est d’assister à une fête patronale, celle des vignerons, la saint Vincent, pour plus de détails vous pouvez visitez ce site : http://www.st-vincent-tournante.fr/ . Un copain m’a fait découvrir cet événement depuis l’an 2000. Au fur et à mesure les différentes parties de notre voyage se sont ritualisées. Les grandes étapes sont les suivantes, le vendredi soir nous dormons à Avallon aux portes de la bourgogne, Le samedi départ à la fraîche pour arriver au village ou se déroule le défilé des vignerons, puis dégustations du vin de la saint Vincent. Puis le samedi après midi,  a lieu la partie essentiel du rituel : la dégustation chez un vigneron d’un petit village entre Beaune et Nuits saint Georges. Nous déposons nos affaires dans un hôtel tout proche et nous nous rendons à pied sur le lieu de dégustation. Vous l’aurez compris l’idée est de pouvoir se lâcher lors de cette dégustation sans crainte de se voir réprimander par la maréchaussée. Cette dégustation est toujours un grand moment, elle dure environ deux heures mais souvent plus et nous goûtons une douzaine de bon vins. La maison fait du vin depuis le début du siècle dernier. La devise de la maison est  « Loyauté fait ma force » mais la maxime que le vigneron cite le plus souvent est «  Il n’y a pas de mauvais vin, il n’y a que des mauvais vignerons ». Les vendanges se font à la main avec un tri manuel, le vin est élevé en fûts de chêne comme vous pouvez le voir sur la photo.

Toute dégustation faite dans cette cave est mémorable. Le vigneron est un véritable amoureux de son métier et de son vin. Dans la plupart des dégustations seule la qualité du vin est abordée, on palabre sur sa couleur, son goût, ses arômes, son nom. Ici, il en est tout autrement. L’homme parle de la terre, de la vigne, du raisin, des fleurs, des feuilles, des racines, de l’eau, de la taille, du froid, du soleil, de la pluie.

Je connais l’homme depuis longtemps, il m’est possible d’aborder des sujets habituellement éludés. Je lui demande alors quels sont les traitements qu’il applique à la vigne. Il m’explique qu’il traite peu, il n’utilise qu’un produit pour les maladies à champignons. Pour les insectes il utilise des pièges a phéromones. Ces sont des pastilles qui émettent des phéromones qui perturbent fortement le comportement sexuel des papillons qui fait que ce ceux-ci ne se reproduisent pas. Connaissant le bonhomme je me doutais bien que ce n’était pas un fou du traitement, je lui demande alors pourquoi il n’est pas bio. Il me réponds qu’il pourrait l’être, il y songe d’ailleurs sérieusement mais il y a un critère rédhibitoire c’est celui de l’utilisation du traitement contre les champignons. Mais la méthode l’intéresse, alors il a envoyé un éclaireur en terre bio.

Il a donné deux hectares à son fils, pour faire du bio. Malheureusement le bilan de l’année est plutôt mitigé, l’été ayant été pluvieux, de nombreuses maladies se sont abattues sur la vigne. Le vin sera difficile a vinifier car la matière première a souffert. Bio ou pas bio, de toute façon il faut traiter. Pour les champignons, il existe un produit traditionnel qui est la bouillie bordelaise. Son utilisation est tolérée en culture bio. C’est un mélange de chaux et de sulfate de cuivre. La chaux c’est du calcaire donc cela ne pose pas de problème pour le réintroduire dans le sol par contre pour le cuivre ça se complique un peu. Aussi la teneur en cuivre dans le sol est mesurée, la loi limite l’introduction de cuivre dans le sol. Ouf nous voila rassuré.

Mais car il y a un mais, la bouillie bordelaise est un traitement de surface qui ne pénètre pas dans la feuille, c’est pour ça qu’il est toléré dans la méthode bio. C’est très bien s’il ne pleut pas, mais à la première pluie le produit est emporté par l’eau jusqu’au sol et devient alors complètement inefficace. Hors la bouillie sert à traiter les champignons qui risque de proliférer lorsqu’il pleut. C’est la boucle infernale, il faut recommencer, mais pas trop pour rester dans les limites de la loi. Ainsi notre vigneron m’avoue que son fils a traité quatorze fois la vigne l’année dernière alors que lui n’a appliqué que six fois son traitement. Plus il pleut, plus le cuivre s’accumule dans le sol, ce qui fait qu’à termes la teneur dépassera les limites de la loi, le viticulteur devra abandonner  la méthode bio, ou changer d’endroit ou tricher ou apprendre à gérer une production fluctuante en qualité.

Ce dernier point, la qualité fluctuante du produit est le coeur du problème. Notre société de consommation ne supporte plus la fluctuation, la seule forme d’évolution tolérée est la croissance. La qualité du vin dépend pourtant de multiples facteurs dont un en particulier qui difficilement maîtrisable : la météo. Pour s’affranchir de ce facteur, la grande distribution a inventé la foire au vin. Le distributeur garanti aux consommateurs une qualité de vin permanente au fil des ans. Pour assurer cette offre, des négociants parcourent la France pour acheter les meilleurs vins de l’année dans chaque région. Le vin est acheté en grande quantité à des prix très raisonnable, la vente est assurée. Le grand distributeur et le producteur y trouvent leur compte, c’est du moins vrai pour l’année où le producteur a vendu son vin. Mais l’année d’après, il a obligation de résultat s’il veut être à nouveau sélectionné par les foires aux vins. Seul le grand distributeur est gagnant quelque soit l’année et quelque soit la météo.

Notre producteur, pour assurer une qualité de vin permanente qui répond aux critères de consommation de tricher un peu.

Pour baisser son coût de production, la première chose qu’il va faire c’est de passer de la vendange manuelle à la vendange mécanique. La vendangeuse est une grande machine qui enjambe le rang de vigne, des battoirs en caoutchouc frappent le cep de vigne. L’accroche de la grappe cède sous les secousses. Le raisin qu’il soit secoué, réduit en bouilli reste du raisin et son jus fermenté reste toujours du vin du moins suivant la dénomination commerciale. Pour ce qui est de la vigne par contre, on a du mal à me faire croire que la plante reste sans réaction au stress provoqué par le secouage violent de son pied. Un autre problème se pose, il n’y a pas de tri, la machine ne distingue pas la qualité des grappes. Tous les raisins sont mélangés et forment une bouillie qu’il va falloir agrémenté de quelques poudres magiques pour obtenir le vin que l’œnologue de la grande surface veut.

Heureusement l’œnologue de la grande surface a des copains œnologues qui vont aider notre viticulteur à faire du vin avec ses raisins en ajoutant quelques poudres magiques.

Le taux d’alcool n’est pas assez fort, quelques morceaux de sucre et tout s’arrange.

La fermentation a du mal à démarrer, pas de panique, une petite pincée de levures sélectionnées par les laboratoires de l’INRA et hop c’est reparti.

L’élevage en fut de chêne donne un petit goût boisé, qui accentue la couleur du vin, mais ça coûte cher les tonneaux. Pas de problème on ajoute des copeaux de bois, de quel bois ? hum ! il ne faut mieux pas demander.

Le vin rouge est rouge mais il serait juste un peu plus rouge que ce serait pas plus mal. Un soupçon d’exhausteur de couleur, comme pour la viande les saucisses et le tour est joué.

Tel arôme n’est pas assez prononcé, pas de souci, tout peu s’arranger.

Ces pratiques sont évidemment prohibées par les viticulteurs bio ou traditionnels. Mais alors , me direz vous, comment reconnaître à l’étiquette un vin qui n’est pas bio mais qui respecte quand même les méthodes naturelles et traditionnelles de vignification?

La réponse est simple vous ne pouvez pas, car en effet les seules mentions obligatoires sur une étiquette sont les suivantes : la dénomination du produit avec éventuellement l’appellation, le titre alcoolémique, le volume nominal, le numéro de lot (indéchiffrable), l’adresse de l’embouteilleur ( c’est le gars qui met en bouteille, cela ne donne aucune indication sur la provenance du vin s’il n’a pas d’aoc), la présence d’allergènes (ce sont des sulfites, tous les vins en contiennent difficile de dire qu’il n’y en a pas), la femme enceinte barrée. Rien n’empêche de faire une étiquette faisant apparaître une cave emplie de fut de chêne comme sur la photo alors le contenu de la bouteille n’en a jamais vu la couleur.

Si vous voulez acheter du vin qui vous convient, une petite visite de cave s’impose.

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Commentaires
C
C'est loin d'être une enquête approfondie :-) Et pour le vin bio tu as raison, mais je voulais montrer la différence entre le bio et le naturel un peu comme un certains cidre artisanal de vannes :-)
F
...qui, écologie oblige, et style de vie m'en dispense, n'ai pas de voiture ;o)<br /> donc, pas de visites de caves ni d'enquête approfondie...<br /> <br /> en revanche, achat de vin bio, <br /> uniquement bio...
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